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BATIRICI – Le point de vue de Jérémie – Découvrir le Projet d’Extension du Port Autonome d’Abidjan (PAA)

BATIRICI | Jérémie N’TAKPE, Ingénieur Génie Civil | 11.01.2020

Si vous évoluez en Côte d’Ivoire, vous avez certainement déjà entendu parler du Projet d’Extension du PAA. C’est l’un des investissements majeurs du gouvernement ivoirien en terme d’infrastructures.

Les infrastructures portuaires qui constituent ce port ont été inauguré en 1951. Ils permettent à l’autorité portuaire, organisation en charge de leur promotion, exploitation et gestion, d’offrir aujourd’hui des services tels qu’un Terminal à conteneurs, une Capitainerie, un atelier de Réparation navale, un Terminal céréalier, un Terminal fruitier, un Terminal minéralier, un Terminal roulier et Terminal de pêche.

  1. Hien Sié est l’actuel Directeur du PAA. C’est en 2010 qu’il a pris la direction de cette infrastructure économique. Depuis 2013, il porte les travaux de modernisation et d’extension du PAA.

1/ Raisons de l’extension

Faire du Port Autonome d’Abidjan “le hub de référence sur la façade Atlantique de l’Afrique.” Telle est l’ambition affichée sur le site portail officiel du gouvernement ivoirien concernant le Projet d’extension du PAA.

Cette vision, quoique noble, occulte des préoccupations plus concrètes.

A l’issue de mes investigations, j’en ai reconnu quatre. Cité pèle mêle, on a des infrastructures pas à niveau, une congestion structurelle rebutante, le manque d’espaces disponibles et une accélération de la concurrence.

Des infrastructures inadaptées aux enjeux actuels

Un des signes les plus évidents de l’inadaptation des infrastructures du port est l’étroitesse du canal de Vridi avant les travaux.

Cette configuration rend impossible l’accueil de navires modernes de grandes capacités “…notamment des navires de plus de 260 mètres de long qui ne pouvaient accoster à Abidjan à cause de l’étroitesse du canal de Vridi ” dit M. André N’Doli Kouadio, Directeur de l’Ingénierie et de la Maîtrise d’Ouvrage du PAA.

Un port est une infrastructure pour accueillir des navires. Sa longueur, sa largeur et surtout sa profondeur (ou tirant d’eau) conditionne son exploitation.

De ces paramètres, le plus critique est le tirant d’eau qui détermine la taille des navires. Les ports les plus profonds au monde atteignent 30 m, mais 15 m est un chiffre plus courant pour les ports de commerce, et 2 à 6 m pour les ports de plaisance.

Depuis le temps de la construction du PAA (1951), la contenance moyenne des Porte-Conteneurs (PC) assurant le transport des marchandises a doublé passant de 2.000 EVP (Equivalent Vingt Pieds) dans les années 1970 à plus de 6.000 EVP dans les années 2000.

De nos jours, les armateurs font recours de plus en plus à des navires de 10.000 EVP et plus. Par exemple, Maersk, compagnie Danoise (un des plus grands transporteurs maritime au monde) a commandé 20 navires pour 2015 avec une capacité de 18’000 conteneurs.

Le projet Geography of Transport Systems classe les PC en cinq (05) grandes catégories suivant leur capacité en EVP. Il établi, en outre, une correspondance entre la classe EVP et le gabarit du navire.

Le PAA avant les travaux ne dispose que d’une profondeur de 11,5 m pour une longueur de 200 m. Il ne peut accueillir que de petits navires de catégorie A (au plus 3.500 EVP) de longueur maximale 137 m et de tirant d’eau d’au plus 10 m.

En conséquence, les infrastructures du PAA ne sont pas à niveau pour recevoir le trafic des navires de grands gabarits qui sillonnent le monde. S’il n’évolue pas, il s’expose à une perte significative de compétitivité au profit de ses rivaux.

Congestion du trafic dans le port

La congestion des quais de débarquement est l’autre raison de ce projet. Elle se manifeste par un temps de transit élevé, le temps mis par la marchandise à effectuer les formalités portuaires (transit time).

Le temps de transit est fonction de facteurs physiques tels que la longueur des quais, l’intelligence de l’organisation de l’espace portuaire, et de facteurs intangibles tels que le temps d’attente moyen des navires et aussi l’efficience des services.

Avant les travaux d’extension, les observations indiquent un temps d’attente moyen du navire élevé (10 h/jour ).

Le TC1, saturé, ne peut guère excéder 1 million d’EVP par an et plafonne à 0,9 millions EVP.

La congestion a des répercussions économiques sur toute la chaîne de valeur de la marchandise. Elle fait perdre de l’argent aux principaux clients des ports, les armateurs et courtiers d’affrètement.

Le PAA, faute d’investissement pour mettre à niveau ses infrastructures et ses ressources face à la demande, durant plus d’une décennie, se retrouve avec une congestion structurelle, constante, due à des infrastructures mal adaptées et insuffisantes pour assurer le niveau de trafic.

Manque d’espaces portuaires

Il y a aussi le manque d’espaces pour les industries, auquel s’ajoutait une vétusté des infrastructures portuaires.

Les exportateurs de cacao et de noix de cajou, dont la Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial, expriment des besoins croissants en espaces et en possibilité de circuler sur la plateforme portuaire.

Get Big or Die

La carte ci-dessus montre la densité du trafic maritime dans le monde.

La concurrence est rude le long de la façade africaine de l’Atlantique. Personne ne veut se laisser compter. Tout le monde affiche la même ambition: devenir le Hub du range. Plusieurs sont passés à l’action en investissant dans des plans de modernisation. Certains voient déjà les résultats de leurs efforts.

Le Port Autonome de Lomé (PAL)  a connu ces dernières années l’essor le plus fort du range ouest-africain. Suite à des travaux d’extension réalisés depuis 2015, il est devenu l’une des principales plateformes de l’Afrique de l’Ouest et du Centre avec 1,2 millions de conteneurs en 2018, soit une croissance de 215 % par rapport à son résultat de 2014.

Ces travaux ont consisté en la construction d’un troisième quai doté d’un tirant d’eau de 16 mètres de profondeur (faisant de lui un port en “eau profondes”), et long de 450 mètres portant la longueur totale des quais du PAL à 920 mètres.

Il a distancé tous les autres ports de la région dans le segment conteneur.

Le Port de Tema (Ghana) s’est également lancé dans un projet d’expansion qui consiste en la construction d’un nouveau terminal à conteneur comportant un quai de 1,4 km de linéaire abritant quatre postes d’embarquement, une cour de triage, un brise-lames de 3,5 km, un canal d’entrée de 19 m de tirant d’eau et divers services et infrastructures portuaires connexes. Avant le développement du nouveau terminal, le tirant d’eau maximum du port n’était que de 11.5 m.

Le Port de Tema a réalisé avec succès la mise en service opérationnelle des deux premiers postes le 28 juin 2019 dans le cadre de la première phase. Tema espère ainsi tripler la capacité annuelle actuelle du port en conteneurs pour se positionner comme un méga hub maritime en Afrique de l’Ouest.

Or depuis en 2018, le Port de Tema, est entré dans le cercle des ports mondiaux millionnaires prenant de la distance avec le Port d’Abidjan.

Les ports de Dakar (PAD), Cotonou (PC), Conakry (PAC) ont également démarré des travaux d’extension pour se mettre à niveau et ainsi diminuer le retard pris sur Tema, Lomé et Abidjan.

On constate donc que c’est l’ensemble de la modernisation des ports d’Afrique de l’Ouest qui est en cours pour disposer de nouvelles capacités de manutention et dans plusieurs cas de tirants d’eau adaptés aux navires plus grands mis en service par les armateurs.

Dans ces conditions le PAA aurait-il pu seulement se mettre à l’écart de cette vague de modernisation?

Le Port contre-attaque

Toutes ces raisons ont donc motivé des études qui ont abouti à une vaste stratégie d’aménagement du PAA comprenant plusieurs projets parmi lesquels on a le projet d’extension du PAA qui nous intéresse ici.

Les autres aménagements principaux prévus, terminés ou en cours sont le remblaiement dans la baie de Biétry (près du quartier zimbabwé) pour  l’aménagement de terrains industriels, la réalisation d’un terminal minéralier, la réalisation du terminal céréalier, la construction du pont de Vridi, l’aménagement d’une zone logistique sur l’autoroute du Nord PK 24 etc…

Survol du Projet

Revenons à ce qui nous intéresse.

Source de financement

Le développement du projet de l’extension du Port Autonome d’Abidjan est financé à hauteur de 255 millions de dollars US (227 millions d’euros) par un prêt octroyé par la banque chinoise Exim Bank de Chine (85%) et un investissement direct de l’Etat de Côte d’Ivoire à travers l’Autorité portuaire du PAA et des banques locales (15%).

Nature du contrat

Les travaux à réaliser dans le cadre du contrat entre le PAA et CHEC sont du type EPC.

EPC signifie Engineering Procurement and Construction qui se traduit en français par Ingénierie, Approvisionnement et Construction.

L’EPC est un contrat dans lequel le client fournit au contractant EPC les spécifications techniques et fonctionnelles du projet, et ce dernier a en charge de réaliser l’ensemble des tâches (conception, approvisionnement, mise en opération…) pour livrer le projet dans un état opérationnel à son client.

La spécificité du contrat EPC c’est que le contractant s’occupe de l’ensemble du projet, de l’installation, des matériaux nécessaires puis de la réalisation soit directement soit en sous-traitant une partie des travaux. Il porte la responsabilité du projet.

Allotissement

Les travaux de ce projet consiste en trois lots.

Le lot 01 concerne l’élargissement et l’approfondissement du canal de Vridi. La passe d’entrée a été élargie de 200 m à 350 m, et son tirant d’eau est passée de 11,5 m à 16 m.

Ce lot est achevé depuis février 2019.

Il permet désormais au port de pouvoir accueillir des navires de plus de 250 m de long, transportant 10.000 conteneurs (contre seulement 3.500 auparavant), et jusqu’à 16 m de tirant d’eau (comme à Kribi).

Le lot 02 consiste en la réalisation du deuxième Terminal à Conteneur dit TC2. Ses caractéristiques sont 1.250 m de linéaire de quai, bordant un terre-plein de 37,80 ha et 16 m de tirant d’eau. Il doit être achevé dans le courant du second semestre de 2019, pour une mise en service dès juin 2020.

On espère de lui qu’il permette d’accroître considérablement les capacités de transbordement ainsi que le volume de trafic. Avec le TC2, le PAA ambitionne de doubler sa capacité de traitement à 2,5 millions d’EVP par an et rejoindre la liste des ports millionnaires comme Lomé et Tema.

Le lot 03 comprend la construction d’un terminal roulier RO-RO. Ses caractéristiques sont un linéaire de 560 m de quai bordant 19,10 ha de terre plein et un tirant d’eau de 14 m.

En mars 2018, l’autorité portuaire a inauguré le quai roulier qui constitue la première phase du terminal consacré à l’import-export de véhicules.

Par ailleurs, il permettra de relocaliser les activités de la douane.

***

Dans les prochaines éditions, on fera des focus sur quelques travaux clés qui ont eu lieu dans le cadre de ce projet.


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