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BTP AFRIQUE – Widson Monteiro: «En Afrique, les villes nouvelles font partie de la solution»

SOURCE| m.geopolis.francetvinfo | Par Michel Lachkar |30.07.2018

Windsor Monteiro@Crédit-AP BATIRICI BTP en Côte d’Ivoire

La ville nouvelle de Yennenga verra le jour à l’horizon 2030, au sud de Ouagadougou. Innovante et durable, elle se présente comme la ville africaine du futur face aux défis urbains du continent. Les travaux d’infrastructures sont déjà lancés. Interview de Widson Monteiro, architecte associé à l’agence Architecture-Studio, lauréate du concours international en 2017.

L’agence Architecture-Studio (mandataire d’un groupement rassemblant Arcade, Beckmann N’Thépé, Coldefy&associés, Hardel-Le Bihan) supervise le projet pour le promoteur CGE-immobilier. 

Le projet de ville nouvelle au sud de Ouagadougou, au Burkina Faso, verra-t-il le jour et comment sera-t-il financé?
Ce projet est porté par un entrepreneur privé Burkinabè, CGE immobilier. CGE est traditionnellement une entreprise de BTP, et a créé il y a 4 ans une filiale immobilière qui a notamment construit le quartier résidentiel de Bassinko à Ouagadougou. CGE immobilier est propriétaire de plusieurs centaines d’hectares, à 15 km au sud de Ouagadougou, dédiés à ce projet de ville nouvelle.

Windsor Monteiro@Crédit-AP BATIRICI BTP en Côte d’Ivoire

En Afrique, les Etats ne sont pas les acteurs les plus dynamiques en matière de politique urbaine, mais le secteur privé peut faire partie de la solution. Les autorités burkinabè soutiennent ce projet aujourd’hui porté par le privé. L’Etat s’est d’ailleurs engagé auprès de CGE à commander et porter un certain nombre de logements sociaux et d’équipements publics sur la ville nouvelle de Yennenga. Les autorités ne veulent pas d’une ville élitiste ou fermée, comme le quartier Ouaga 2000, devenu un quartier bourgeois, qui s’éloigne de l’idée que l’on se fait d’une ville africaine.

Crédit KS Architecture

Crédit KS Architecture

Pour Yennenga, CGE immobilier finance sur des fonds propres l’ensemble des infrastructures et des réseaux (voiries, espaces publics, eau, électricité, parc solaire) ainsi que des bâtiments emblématiques. Il s’appuie sur d’autres investisseurs pour développer les lots créés (logements, bureaux, etc.).

Les travaux d’infrastructures de cette future ville ont commencé depuis plus d’un an (terrassement de la voirie et des réseaux, découpage parcellaire). Les premiers habitants s’installent déjà dans la zone Ouest, à destination plutôt résidentielle, tandis que les études se poursuivent pour le cœur de ville. Preuve de son succès, la commercialisation du cœur de ville a été suspendue par CGE Immobilier, l’entreprenariat privé devançant les études plus générales.

Pourquoi, selon vous, votre projet a-t-il été retenu parmi trente autres?

Crédit KS Architecture

Si notre projet a été retenu, je pense que c’est pour sa mixité sociale, culturelle, architecturale et son accroche au contexte paysager, géographique, climatique. L’idée était de ne pas faire une ville dortoir à proximité de la capitale, mais une ville mixte et agréable avec toutes sortes d’activités, du logement social, de l’habitat plus haut de gamme, des bureaux, du commerce, etc. Un projet qui pensait à la fois l’eau, l’énergie, l’architecture, les transports, les espaces verts et les usages de ses futurs habitants. Un projet global qui a séduit le promoteur.

Outre notre projet, c’est la composition de notre équipe pluri-disciplinaire qui a retenu l’attention. Nous avons regroupé plusieurs agences d’architecture et d’urbanisme françaises et burkinabè ainsi qu’un paysagiste et un bureau d’études techniques. Nous avons également défendu un partenariat avec le promoteur, plutôt qu’un projet «clé en main»: un projet souple et flexible, capable d’évoluer selon les paramètres démographiques, sociaux, économiques, et culturels.

Dans ce dialogue ouvert et partagé, nous avons pu faire évoluer la vision du projet vers une solution de ville durable plus ambitieuse.

Comment pense-t-on une ville entièrement nouvelle?
Il ne faut pas penser à dessiner la totalité de la ville comme un ensemble figé, mais plutôt proposer un patchwork d’idées, un cadre général facilement appropriable regroupant des intentions et des objectifs en termes paysager, architectural, écologique, de mobilité urbaine tout en laissant la ville évoluer spontanément à son propre rythme… africain. La ville traditionnelle, elle, n’était pas pensée, elle se construisait naturellement, autour du marché, de l’église ou de la mosquée…

Les villes africaines ont souvent le défaut d’être très étendues, ce qui pose des problèmes en termes de déplacements urbains. Ici, nous proposons une ville plus dense avec un bâti d’au moins quatre étages. Une ville dont l’axe central ne dépasse pas trois kilomètres, ce qui permet de circuler à vélo ou à pied, comme on le fait encore beaucoup sur le continent. Nous voulons conjuguer urbanité et ruralité, laisser de la place à l’agriculture urbaine et à de nombreux jardins, et créer une ville facilement appropriable par les habitants.

A quinze kilomètres du centre-ville de la capitale, mais à seulement deux pas de l’extension de Ouaga 2000, on est dans une ruralité proche qui va s’intégrer peu à peu au tissu de la ville, pour devenir une des polarités de Ouagadougou, et il ne faut pas perdre de vue cette idée.

Pourquoi construire des villes nouvelles, plutôt que d’améliorer les villes existantes?
L’un ne doit pas empêcher l’autre. Le vrai problème, c’est de penser et de structurer des projets urbains de qualité. Les capitales africaines ne sont pas préparées pour voir leur population encore doubler, comme l’annoncent les démographes pour 2050. Dakar, Douala, Abidjan sont des villes totalement saturées, des villes qui ne respirent plus. Dès que l’on sort des quartiers administratifs ou du centre-ville, issus de projets planifiés, on observe un étalement impressionnant et non-planifié de la ville, qui dure depuis les années 80.

Cependant, il est très difficile d’intervenir sur une restructuration globale de la ville existante: la propriété privée et le foncier sont peu maîtrisables et la politique urbaine n’est pas vue comme une priorité par les autorités, qui sont en demande de capacités (techniques, financières…) pour porter des projets de restructuration importants.

Au sein d’Architecture-Studio, nous en avons justement l’expérience sur Abidjan, où nous avons entamé il y a deux ans des études urbaines pour l’écoquartier de Marcory: au cœur de la ville, nous proposons de transformer deux secteurs urbanisés en quartiers durables. Pour autant, nous restons dans l’attente d’une solution opérationnelle.

C’est pourquoi il faut des politiques urbaines très fortes, très énergiques. Créer de nouvelles villes fait partie de la solution. Diamniadio, nouveau pôle urbain de Dakar, se veut une réponse à une capitale sénégalaise qui ne respire plus. Yennenga, en tant que ville «complète», regroupant l’ensemble des fonctions qui «font la ville», offre un lieu de vie, de travail, de loisirs, de découverte… Elle représente une nouvelle polarité, qui peut diminuer les déplacements vers Ouagadougou et désengorger la capitale, aujourd’hui saturée.


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