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Le géant américain Facebook a officialisé son projet « 2Africa ». D’ici à 2024, il va installer, avec sept opérateurs télécoms, un câble de télécommunications sous-marin tout autour du continent africain, l’un des plus longs du monde. Le projet promet de démultiplier la connectivité Internet du continent. A quoi faiut-il s’attendre ? Pourquoi Facebook lance son propre réseau ? Les réponses de TV5MONDE.
Pourquoi ce câble est-il un projet hors norme ?
Le vaste projet a été initié secrètement il y a deux ans. Le géant Facebook a réussi à convaincre sept partenaires de lancer la fabrication et la pose d’un des câbles de télécommunications les plus longs du monde pour apporter un réseau de fibres optiques à l’Afrique.37 000 kilomètres de câble posé au fond de l’océan entre la Grande Bretagne, le Cap de Bonne-Espérance au sud de l’Afrique et qui remontera vers la Méditerranée, en passant par la mer Rouge. 37 000 km, c’est presque la circonférence de la planète Terre. Le coût de l’investissement est tenu secret mais, selon les informations de TV5MONDE, il sera compris entre 800 millions et 1 milliard de dollars. Le câble sera opérationnel en 2023 ou 2024.
Le projet est hors norme également parce qu’il regroupe une série de partenaires commerciaux qui n’ont pas forcément pour habitude de coopérer. Aux côtés de Facebook, le consortium créé pour l’occasion regroupe par exemple l’opérateur China Mobile International, alors que le réseau social de Mark Zuckerberg est proscrit en Chine. Le projet, qui s’appelait initialement « Simba », compte aussi dans ses rangs le Saoudien Saudi Telecom, le Français Orange, Telecom Egypt , le Britannique Vodafone et le Sud-Africain MTN Global Connect. C’est un autre Français, Alcatel, qui sera chargé de la fabrication du câble.
– 2Africa fera-t-il baisser les coûts des télécommunications en Afrique ?
En dépit du coût très élevé de cette infrastructure, elle devrait permettre de faire baisser les prix des échanges de données à l’international, entre l’Afrique, l’Europe et le Moyen-Orient. Plus un câble est capable de délivrer du débit, plus le coût de la donnée est bas.Or, la technologie déployée permettra de multiplier par 2 ou 4 le nombre de fibres optiques passant à l’intérieur du câble. Jean-Luc Vuillemin, le directeur Réseaux et Services internationaux chez Orange, assure que « dans ces pays, il faut apporter une connectivité à des prix compatibles avec le pouvoir d’achat des populations locales. Le but de 2Africa est d’arriver, pour un coût de maintenance identique, à un coût de la bande passante internationale qui sera diminué de plusieurs centaines de fois ».
– 2Africa va-t-il faire exploser les débits Internet en Afrique ?
Les promoteurs du projet assurent que la capacité de débit numérique de ce nouveau câble correspondra à trois fois les capacités actuelles de l’ensemble des câbles sous-marins installés aujourd’hui autour du continent africain. La promesse est alléchante pour les populations d’Afrique.Toutefois, le débit Internet dans les entreprises ou chez les particuliers ne dépend pas uniquement des câbles sous-marins. Une fois arrivée sur terre, la donnée transportée doit aussi trouver un réseau de télécommunications efficace à l’intérieur du territoire. Et c’est souvent ce qui manque dans beaucoup de pays du continent.
Qemal Affagnon, responsable Afrique de l’Ouest de l’ONG Internet Sans Frontières, déplore que déjà aujourd’hui, l’ouest de l’Afrique ne profite pas pleinement des capacités offertes par les câbles sous-marins. Selon lui, « les câbles qui fonctionnent sur la façade ouest sont utilisés à 20% seulement de leurs capacités, parfois moins. Cela s’explique par le faire que des investissements n’ont pas été faits, l’infrastructure terrestre fait défaut pour permettre aux populations de bénéficier des installations. On verra si ce nouveau câble viendra combler les lacunes qu’on observe aujourd’hui ».
Du côté des opérateurs, on assure travailler aussi au développement des infrastructures terrestres. Orange, par exemple, « est en train de construire un réseau panafricain en interconnectant entre eux les réseaux de l’ensemble de (ses) filiales en Afrique », relate Jean-Luc Vuillemin.
Ibrahima Ba, directeur des investissements dans les infrastructures réseaux sur les marchés émergents chez Facebook, explique :
« C’est tout un écosystème et les investissements doivent suivre d’ici à 2023-2024. Nous investissons pour acheminer la capacité depuis les villes côtières vers l’intérieur, même dans des pays qui n’ont pas d’accès à la mer. Facebook a déjà investi pour développer les projets terrestres, par exemple sur la fibre optique au Nigeria, en RDC, au Congo, en Afrique du Sud ».
– Quels pays seront desservis par ce câble sous-marin ?
16 pays africains seront connectés à ce câble sous-marin, notamment le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Gabon, le Congo, la RD Congo, l’Afrique du Sud, Madagascar ou Djibouti. Pour certains de ces territoires, ce sera la première fois qu’un réseau de fibres optiques arrivera directement par la mer.
– Pourquoi Facebook crée-t-il ses propres réseaux Internet ?
Facebook est à l’origine du projet 2Africa. Comme Google ou d’autres géants de l’Internet, le réseau social s’est lancé depuis plusieurs années dans la construction de son propre réseau de télécommunications, indépendant des grands opérateurs habituels. Ibrahima Ba explique que « la mission de Facebook, c’est la connectivité du monde, des gens entre eux. C’est très important pour nous ».
Mais le géant a surtout besoin d’offrir un service toujours plus rapide à ses utilisateurs pour les fidéliser. Il a déjà implanté de nombreux centres de données dans plusieurs pays d’Afrique. « Il nous faut connecter ces points de présence pour rapprocher le contenu de Facebook de l’utilisateur final, ajoute Ibrahima Ba. Cela peut améliorer la performance du produit. Quand les gens se connectent à Whatsapp, par exemple, ils voient le nom de leur opérateur télécom mais derrière cela, il y a déjà des centres de données, des câbles sous-marins et des fibres optiques de Facebook« .
– Facebook pourra-t-il espionner les données qui transitent ?
Les opérateurs assurent que cela ne sera pas possible. Le câble renfermera 16 paires de fibres optiques différentes. Chacune de ces paires sera exploitée indépendamment par chacun des opérateurs du projet. Ibrahima Ba, de Facebook, promet qu’il y aura « une séparation physique du trafic. Le trafic de Facebook passera uniquement sur la fibre optique de Facebook. Comme le trafic des autres opérateurs sera indépendant. Il n’y a pas vraiment de risque nouveau en termes de sécurité, d’autant que les données seront cryptées sur la fibre optique ».
L’ONG Internet Sans Frontières se montre sceptique et estime que « ce projet de câble pourrait être exploité à des fins d’intelligence économique ou même politique ». Qemal Affagnon suggère d’imposer « un contrôle social des données qui transitent. Il faudrait pouvoir réguler ce bien commun que constituent les câbles sous-marins à fibre optique », selon lui.
2Africa devrait en revanche permettre un accès aux connexions internationales plus large pour les acteurs économiques africains. Jean-Luc Vuillemin, d’Orange, fait valoir que « dans chaque pays, le câble se terminera dans des centres de données ouverts où toutes les entreprises qui voudront utiliser de la capacité pourront se connecter librement. C’est une offre commerciale ouverte à tout le monde ».
– 2Africa va-t-il faire disparaître les coupures de réseau ?
Les coupures du réseau Internet s’expliquent parfois par un incident sur un câble sous-marin. Il arrive qu’un navire sectionne l’une de ces installations avec son ancre ou en pêchant. D’autres fois, ce sont des séismes sous-marins qui provoquent la cassure. Ce cas est fréquent au large de la RDC, dans le canyon créé par le fleuve Congo. Ces derniers mois, 25 coupures de câbles, dont 12 simultanées, ont parfois provoqué l’interruption totale d’Internet dans une dizaine de pays d’Afrique.
Le projet 2Africa entend limiter les risques de deux manières. Le câble sera enterré plus profondément sous terre, au fond de l’océan, que la plupart de ses concurrents. Et surtout, il fera complètement le tour de l’Afrique. Ibrahima Ba certifie que « cela permet de sécuriser les échanges. S’il y a une coupure sur le côté ouest de l’Afrique, le trafic pourra être acheminé par le côté est. S’il la coupure est du côté est, le trafic sera acheminé par l’ouest ».
Pour Internet Sans Frontières, les coupures de réseaux -volontaires et involontaires- représenteraient un manque à gagner économique autour de 5 à 6% du PIB africain.